Dossier Iran

 

Quels ouvrages lire pour changer son regard sur l'Iran ?

 

Amin Maalouf

Ecrivain francophone d'origine libanaise, lauréat du Goncourt, Amin Maalouf alterne romans et essais (dont le spectaculaire Les croisades racontées par les Arabes). Dans Samarcande, le lecteur croise, au fil des pages, le poète Omar Khayyâm, Hassan Sabbâh, le chef de la secte des Assassins, mais aussi le prince Malik Shâh et son vizir Nizâm al Molk.

 Amin Maalouf

Jean-Christophe Ruffin

Autre lauréat du Goncourt, Jean Christophe Ruffin est également co fondateur de Médecins du monde et auteur de L'Abyssin. Sauver Ispahan en est une fausse suite se déroulant au début du 18e siècle, au moment où la dynastie safavide jette ses derniers feux. Romanesque et parfaitement documenté.

 Jean Christophe Ruffin
 

Pierre Loti

Tout le monde connaît Pierre Loti, académicien et officier de marine, authentique écrivain voyageur à la plume lyrique. Dans Vers Ispahan, récit de voyage au charme désuet, il évoque sa traversée de la Perse, à pied et à dos d'âne. Parti de Bandar Abbas, sur le Golfe persique, il atteint la Mer caspienne trois mois plus tard. A lire, au premier ou au second degré, ne serait-ce qu'afin de mesurer les progrès accomplis dans le domaine des transports et de l'hôtellerie !
 

 Pierre Loti

Nicolas Bouvier

Moins célèbre, et c'est dommage, Nicolas Bouvier demeure le plus envoûtant des voyageurs contemporains. Dans L'usage du monde, aucune concession à l'exotisme de pacotille : les exploits sont à peine évoqués ou n'apparaissent qu'en creux, et s'effacent au profit d'une passionnante quête de l'Autre, quelque soit sa langue, sa couleur, sa religion... Les pages les plus passionnantes sont d'ailleurs celles où le narrateur demeure immobile, comme à Tabriz, où par – 10° et le ventre vide, il attend le printemps ou au Kurdistan, que le chef de la police l'autorise à reprendre sa route.

 Nicolas Bouvier
 

Bernard Ollivier

Bernard Ollivier, à l'âge de la retraite, décide soudain de parcourir à pied les Routes de la soie (12 000 km). Dans le tome 2, consacré à l'Iran, de La longue marche, l'auteur nous fait part de son enthousiasme ou de ses doutes, en toute simplicité, et met l'accent sur les rencontres de hasard et l'indéfectible hospitalité persane.
 

 Bernard Ollivier

Vita Sackville-West

Dans Une aristocrate en Asie, Vita Sackville-West nous décrit ses aventures à travers les régions les plus sauvages de la Perse des années 20. Récit inévitablement décalé, puisqu'il mélange humour anglais, féminisme discret et interrogations philosophiques désarmantes de naïveté.

 Vita Sackville-West
 

Jane Dieulafoy

Autre récit très décalé : Journal des fouilles de Suse, de Jane Dieulafoy, épouse du célèbre archéologue ayant découvert à Suse (et offert au Louvre) la fameuse frise des Archers. Un témoignage passionnant, car vécu de l'intérieur, de ces savants qui ont consacré leur existence à retrouver les traces des plus anciennes cités antiques.

 Jane Dieulafoy

Richard, Hourcade, Digard

L'Iran au 20e siècle : Un trio exemplaire de chercheurs du CNRS (l'historien Yann Richard, le géographe Bernard Hourcade et l'ethnologue Jean-Pierre Digard) mènent l'enquête. Exhaustif mais accessible, sans parti pris ni langue de bois, bref, incontournable ! De la création du premier Parlement, il y a déjà plus d'un siècle aux subtilités de la Révolution islamique, les auteurs passent au crible les moindres indices capables de nous faire comprendre l'Iran moderne.

 Y. Richard, B. Hourcade et J-P. Digard
 

Saadi

Avant d'écrire Les Caractères, La Bruyère a peut être lu des traductions du Boustan et du Golestan, les deux œuvres majeures de Saadi, poète et moraliste né à Shiraz vers 1180. Saadi évoque une époque où le vin coulait à flot dans les jardins persans et où les descriptions de jeunes filles aux yeux noirs (ou de jeunes esclaves imberbes) ne froissaient pas les mœurs. Ironie de l'histoire, ces chapitres-là furent censurés dans les éditions françaises du 19e siècle !

 Saadi

Omar Khayyâm

Etrange destin que celui d'Omar Khayyâm : célèbre de son vivant pour ses travaux de mathématicien et d'astronome, il devra attendre qu'Edward Fitzgerald, un Américain du 19e siècle, publie ses Rubâ'iyât pour que ses talents de poète soient enfin reconnus dans son propre pays.
 

 Omar Khayyâm
 

Z. Safâ

A l'heure de l'Internet et de la télévision, la poésie persane demeure vivante. Nombreux sont les Iraniens capables de réciter avec aisance les poèmes de leurs auteurs classiques. Afin de faire connaître les plus représentatifs aux lecteurs francophones, Z. Safâ, publie cette Anthologie de la poésie persane, du 11e au 20e siècle.

 Z. Safâ

Sadeq Hedâyat

Sadeq Hedâyat a vécu en France à la fin des années 1940. Son œuvre ne respire guère l'optimisme béat (l'auteur a mis fin à ses jours à Paris, en 1951), mais elle met parfaitement en lumière les rapports complexes que les Iraniens entretiennent depuis toujours avec la religion, la mort, l'autorité… Le recueil de nouvelles intitulé Trois gouttes de sang aide à pénétrer dans l'univers plutôt sombre d'Hedayat. Pour les amateurs, notons que ses romans, dont La chouette aveugle, sont également disponibles en librairie.

 Sadeq Hedâyat
 

Marjane Satrapi

Il est rare, pour ne pas dire unique, qu'une bande dessinée atteigne l'intensité dramatique des quatre volumes de Persépolis. Armée d'une fausse naïveté redoutablement efficace, Marjane Satrapi décrit les années difficiles de la Révolution islamique perçues au travers du regard de la petite fille qu'elle était à l'époque. Sobriété du noir et blanc, concision des textes et humour permettent de mêler intimement tragique et légèreté, et de faire partager à un large public les réalités d'une époque mal connue.

 Marjane Satrapi

Nahal Tajadod

Nahal Tajadod, essayiste iranienne vivant en France depuis 1977, retourne en Iran rendre visite à sa famille, et renouveler son passeport. Démarche banale qui s'enlise pourtant très vite et menace de tourner au désastre. Merveilleux alibi pour décrire avec une ravageuse ironie une bureaucratie kafkaïenne, naviguant à vue entre informatique mal maîtrisée et corruption dérisoire ! Tout devient négociable, depuis son tour dans une file d'attente, jusqu'aux indispensables tampons échangées contre une cocotte-minute ou une poule encore vivante. Mais Passeport à l'iranienne décrit également, parfois avec un brin de cruauté, les rapports qu'entretiennent entre eux les Iraniens issus de classes sociales antagonistes... ou comment l'inflexible ta'rof (politesse) pousse chacun à proposer chaleureusement ce qu'il ne souhaite aucunement faire, et à refuser avec emphase ce qu'il brûle d'accepter. Pour le futur voyageur en Iran, ce court roman peut donc se lire comme un manuel de savoir-vivre décalé, destiné à lui éviter gaffes et déconvenues.

 Nahal Tajadod

 

Delphine Minoui

Léger comme une bulle de savon et à lire au deuxième degré (au moins) : Les pintades à Téhéran de Delphine Minoui. Grand reporter ayant passé huit ans à Téhéran, elle est spécialiste du Moyen-Orient et a reçu en 2006 le prix Albert-Londres pour ses reportages en Iraq et en Iran. Délaissant les analyses géopolitiques, elle nous décode ici les mœurs des Iraniennes d'aujourd'hui... Oui, vous savez, ces créatures étranges que l'on oblige à baisser les yeux ou à porter manteau long et foulard pour sortir, mais qui gaspillent une énergie folle à dénicher parfums de luxe, strings en dentelles, régimes amaigrissants... et qui fréquentent chaque jour de discrètes salles de sport dotées des appareils de torture les plus modernes, illégalement importés de Californie via Dubaï. Derrière le paravent de l'humour, l'auteur nous livre un portrait juste et attachant d'une société à la croisée de chemins, à la recherche d'une difficile synthèse entre strict respect des traditions et revendications féministes importées de l'Occident.

 Delphine Minoui

Serge Michel

L'ouvrage le plus décapant sur l'Iran actuel demeure sans doute Marche sur mes yeux, du journaliste suisse Serge Michel, assisté de son complice de longue date, le photographe italien Paolo Woods. Textes et photos à l'appui, ils nous baladent entre confidences chuchotées sur leur vie quotidienne à Téhéran, le récit haletant de la réélection contestée de Mahmoud Amadinedjad, ou une visite de Mashhad, très politiquement incorrecte. Prétextant écrire un ouvrage sur "les Iraniens et le bonheur", ils se lancent en réalité dans une enquête sociologique au long cours, vraiment désopilante. En se gardant bien de tout jugement de valeur, ils tendent leur micro aux "citoyens ordinaires", issus des milieux les plus divers : religieux, enseignants, marchands de tapis, bassidjis, maquereaux, artistes underground, pèlerins, réalisateurs de feuilletons, mariés temporaires, membres de la jet-set... Une fabuleuse galerie de portraits, brossée avec une grande humanité et beaucoup de finesse, qui fait peu à peu voler en éclat toutes nos idées reçues et préjugés sur l'Iran. Indispensable et salutaire !

 Serge Michel

 



Les Mangeurs de brise :